Sur la crête, sous les éclairs, la peur danse et la grêle me frôle. Je me dis, t’sais quoi, j’suis chanceuse, j’ai peut-être encore 60 étés à exister. Beaucoup, mais pas tant que ça, c’est fou comme ça passe.
J’ai faim, une banane me ferait du bien, mais comme toujours, trop mûre ou pas assez. Les mûres, j’en ai mangé depuis petite, et avant hier, j’savais même pas comment elles poussent. Ignorante, j’avale des habitudes. Comment j’vais faire pour tout apprendre en seulement 60 autres étés.
Une chenille rampe devant moi, ça ressemble à quoi une journée dans son monde? En tout cas, dans le mien je rêve de spa, de bois, de marche sans fin, pourquoi j’suis aussi fidèle à l’insatisfaction? Comme si la montagne voulait être rivière, toujours un désir de plus, un besoin d’autre chose. Et pourtant.
Je respire sans m’en rendre compte, tout est automatique. Mécanique du corps, de l’esprit. Et là, je me demande, c’est quoi le plan? Comment je fais pour vivre pleinement? La chenille elle, elle doit pas se poser toutes ces questions. Je devrais l’imiter, avancer patiemment, sans doute, sans plan.
Les plans, toujours ratés, mais tellement mieux, ce que j’suis chanceuse, encore une fois. Chaque kilomètre, une conversation muette, parfois utile, souvent pas. Et si l’éclair m’avait touchée? J’aurais fait partie d’un petit pourcentage, un clin d’œil au hasard, à la vie. Mais aujourd’hui, j’suis ici, et même quand les éclairs houspillent, la route devant moi, c’est juste une autre histoire que j’vais réécrire, encore et encore.